Le renouveau du thé au Népal

Depuis quelques années, certaines plantations népalaises s’éloignent des traditions et se laissent guider par leur passion pour proposer des thés nouveaux, de grande qualité et véritablement hors du commun.

- Article extrait du magazine Bruits de Palais 68 - page 5 -

Je voyage souvent dans les régions himalayennes et, depuis longtemps, je suis très attaché aux gens qui les habitent. Après les tremblements de terre qui ont fait souffrir le Népal, il y a toujours de nombreuses secousses. Les Népalais sont encore traumatisés et vivent dans l’anxiété. J’aimerais aujourd’hui leur adresser à nouveau mes pensées en vous faisant découvrir ce très beau pays et ses habitants qui, pour certains, oeuvrent à un renouveau du thé népalais. Parmi les Grands Crus venus cette année des quatre coins du monde, je dois dire que ceux du Népal sont nombreux. Ce qui se passe là-bas est passionnant. Il y a eu tout d’abord un, puis deux, puis trois planteurs qui se sont mis à faire des thés remarquables. Depuis, cela a créé une véritable émulation et je déguste aujourd’hui des Grands Crus venus de dix jardins différents. Certains d’entre eux sont d’un très haut niveau.
François-Xavier Delmas, fondateur de Palais des Thés

Le thé du Népal et ses particularités

Le thé du Népal et ses particularités

Il y a encore quelques années, le Népal n’était pas réputé pour son thé. Mais, depuis une décennie, des plantations cherchent à proposer un thé différent, loin des codes traditionnels népalais : une idée qui signe le renouveau du thé dans ce pays.

L'histoire du thé népalais

C’est en 1920 que les premiers jardins du Népal voient le jour, à Ilam et Soktim, sur environ une centaine d’hectares. Il faut attendre 1960 pour que le Népal se dote de ses premières manufactures. Les années suivantes, la culture du théier se développe lentement mais sûrement. Au milieu des années 1980, le gouvernement déclare « zones de culture du thé » les 5 districts orientaux du pays dans la zone du Teraï. Depuis, de nombreuses plantations équipées de manufactures ont été créées. En 1997, le secteur du thé au Népal a été entièrement privatisé provoquant alors un rapide essor.

Lire la suite

Les régions népalaises et leurs productions

Il existe au Népal trois régions de production : le Teraï, Ilam et Dhankuta. Le pays produit majoritairement des thés CTC dans les grandes plantations de la région du Teraï. CTC, de l’anglais crushing-tearing-curling, désigne une technique visant à hacher finement les feuilles puis les rouler en petites billes. Ces thés sont destinés à la grande consommation et présentent peu d’intérêt d’un point de vue gustatif. Ilam et Dhankuta, à l’est du Népal, se démarquent de ces grandes plantations. Là-bas, on produit un sixième du thé népalais en suivant le procédé orthodoxe : les feuilles de thé sont gardées entières, ce qui garantit une grande richesse aromatique. Ces thés, noirs mais aussi verts et blancs, ont su se faire une belle renommée auprès des amateurs et sont exportés, souvent à très haut prix. Dans les régions d’Ilam et Dhankuta, beaucoup de plantations de thé possèdent des champs de taille modeste. Elles achètent alors souvent les feuilles de thé fraîches aux paysans alentour. Ainsi, elles entretiennent des relations étroites avec les petits producteurs en les conseillant et en les suivant dans leurs récoltes. Au Népal, le secteur du thé fait vivre 7 500 fermiers.

Ilam et Dhankuta

Ilam et Dhankuta : les régions au cœur du renouveau du thé népalais

Si l’on trouve de plus en plus de thés de haute qualité au Népal, c’est bien grâce au terroir unique des régions de l’est du pays et au développement récent de plantations conduites par des producteurs talentueux, arrivés tout droit de Darjeeling, direction Dhankuta. Depuis une quinzaine d’années, ces maîtres de plantations tels qu’Andrew Gardner élaborent avec soin de nouveaux thés dans cette région et leur succès se répand jusqu’à Ilam.

Lire la suite

Un terroir exceptionnel préservé

À Dhankuta et à Ilam, le sol est excellent et le climat propice à de belles plantations. La théiculture dans ces régions montagneuses s’appuie sur des méthodes agricoles propres et respecte les zones boisées, le terroir n’en est forcément que meilleur. La distance entre ces deux régions et Darjeeling est très faible, c’est pourquoi le rythme des saisons et des récoltes est quasiment identique. Cependant, les thés primeurs du Népal sont présentés quelques semaines après ceux de Darjeeling en raison d’un climat plus rigoureux.

Les plantations symboles du renouveau

Le district de Dhankuta

Sur la vallée de Hile, des producteurs pour la plupart venus des plantations de Darjeeling, ont été les premiers à développer de nouvelles plantations, les plus anciennes ayant une quinzaine d’années. Ces producteurs passionnés ont su créer de nouveaux thés différents du traditionnel thé noir qui peut être produit à Darjeeling. Suivant cet objectif, ils ont sélectionné leurs théiers parmi les meilleurs cultivars récents, réputés pour leurs propriétés aromatiques et pouvant être plantés sur les flancs très escarpés. Ces plantations de Dhankuta ont également mis au point des techniques artisanales de flétrissage et de roulage manuel des feuilles, qui ne se rencontrent habituellement pas au Népal ni en Inde. Les plantations les plus reconnues sont Kuwapani, Guranse et Jun Chiyabari, très proches les unes des autres. Ce sont elles qui produisent aujourd’hui de Grands Crus figurant parmi les meilleurs du monde, comme le Guranse Delmas Bari par exemple : un thé noir provenant de la plus haute et la plus qualitative des parcelles de Guranse, caractérisé par son attaque très fleurie et sa fine astringence.

Le district d’Ilam

Le succès de Dhankuta s’est ensuite étendu au district d’Ilam, encore plus proche géographiquement de Darjeeling. Avant cela, les plantations d’Ilam ont souvent cherché à imiter ce qui se faisait à Darjeeling. Il n’était pas rare qu’une partie des feuilles récoltées, au lieu d’être manufacturée sur place, entre en fraude en Inde. Mais, depuis environ 3 années, d’excellentes plantations, tout aussi novatrices que celles de Dhankuta, se sont développées. Mist Valley, Sandakphu ou Arya Tara arrivent à produire des thés d’une qualité gastronomique remarquable comme le Arya White Pearl : un thé délicat composé de bourgeons duveteux dont les notes douces, florales et anisées se révèlent progressivement avec élégance.

Le talent des producteurs

Le talent des producteurs

Ces plantations récentes et leurs thés novateurs doivent leur succès aux producteurs à la fois passionnés et audacieux qui ont cherché à mettre au point de nouveaux thés en travaillant des cultivars différents, en modifiant leurs techniques (flétrissage, roulage, etc.), en s‘éloignant des traditions et en osant proposer de nouvelles idées… souvent avec succès.

Portrait
Andrew Gardner, pionnier des Grands Crus népalais par François-Xavier Delmas

 
Andrew Gardner

Andrew Gardner est le planteur le plus amoureux de son métier que j’aie jamais rencontré. Il peut en parler pendant des heures et poser mille questions ! Andrew a travaillé dans plusieurs plantations, à Darjeeling pour commencer, puis au Népal à Jun Chiyabari et maintenant à Guranse. On peut dire que c’est lui qui a été le premier à faire de très beaux thés népalais.

Andrew s’est consacré à l’amélioration de la qualité des théiers et s’est inspiré des savoir-faire traditionnels de roulage des feuilles à la main. Sa production se situe à un niveau artisanal et se trouve par conséquent très peu mécanisée mais surtout, il porte une attention extrême à ce qu’il fait. Il a également mis en place un programme équitable avec les fermiers qui cultivent les terres voisines de sa plantation. Le prix des récoltes à venir est fixé par contrat. Ainsi, les paysans n’ont pas à se soucier d’une éventuelle chute des prix du thé.

C’est à lui que l’on doit le fait que le Népal émerge aujourd’hui parmi les grands pays de thé. Sa passion pour son métier et son éthique à l’égard de ceux qui travaillent avec lui dans les montagnes y sont certainement pour beaucoup. Autre plaisir partagé avec Andrew, celui de la marche à pied, des longs treks dans les montagnes de thé. Et aussi son désir constant de progresser, d’apprendre, de découvrir et de s’améliorer. Un planteur aussi passionné qu’expérimenté.

Me connecter