Les thés Oolong, incontournables pour leur richesse gustative
Les crus Oolong occupent une place particulière dans l’univers du thé. S’ils furent longtemps délices d’initiés, ils s’imposent aujourd’hui auprès d’un large public par la richesse et la variété de leurs saveurs.
- Article extrait du magazine Bruits de Palais 70 - page 8 -
Les Oolong constituent une des grandes couleurs de thé en Chine et à Taïwan et sont extrêmement prisés des amateurs. Ils présentent selon leur degré d’oxydation des notes végétales, florales, lactées, boisées ou torréfiées qui sont autant d’expériences sensorielles et émotionnelles.
Ces thés sont très réputés dans la pharmacopée traditionnelle chinoise pour leurs vertus désaltérantes et apaisantes. Longtemps confidentiels en Occident, bien moins connus que les thés verts ou les thés noirs, les Oolong semblaient réservés il y a quelques années encore aux connaisseurs, d’aucuns diront aux sinophiles, familiers de l’Empire du Milieu.
Presque intimidants pour tous ceux qui pensaient ne pas avoir les codes pour les apprécier, savoir les déguster. Ce n’est plus d’actualité aujourd’hui. Les Oolong sont au contraire de plus en plus recherchés par des publics très divers. Outre leur grande variété de notes aromatiques et donc leur très riche palette gustative, ils contiennent une faible teneur en théine qui permet de les déguster tout au long de la journée, y compris le soir.
Les Oolong sont des thés natures semi-oxydés –et non semi-fermentés comme il est souvent dit par erreur- ce qui signifie que leur oxydation, qui varie de 10 à 70%, est obtenue à l’issue d’un processus complexe mais parfaitement maîtrisé par les planteurs en fonction du bouquet aromatique recherché et des savoir-faire locaux.
Oolong ou « Wu Long » est la traduction (en alphabet romain) du terme chinois qui signifie littéralement « dragon noir », à cause de la teinte très sombre que prend parfois la feuille de thé en séchant. Les Chinois les désignent aussi comme thés bleu-vert par référence à la couleur de leur infusion. Depuis plus de trente ans, François-Xavier Delmas, fondateur de Palais des Thés, parcourt les plantations de Chine et de Taïwan pour rapporter les meilleurs d’entre eux, dont certains Oolong taïwanais très rares, qui figurent parmi les thés les plus chers au monde.
En Chine, la fabrication des premiers Oolong remonte à la fin du XVIIe siècle. Quelque cinquante ans plus tard, les Chinois, devenus entre-temps grands consommateurs de ces thés qu’ils avaient appris à connaître, ont développé un savoir-faire qui leur permet de maîtriser et optimiser la manufacture.
Aujourd’hui, les meilleurs thés chinois sont toujours cultivés dans les montagnes Wu Yi et An Xi, au nord et à l’ouest de la province du Fujian, ainsi que dans les massifs au nord du Guangdong. Ces deux régions se prêtent admirablement par leur climat et leur situation géographique à la culture du thé : des plantations à flanc de colline, une température annuelle de 18°C et une bonne répartition des pluies tout au long de l’année.
Autre région productrice, l’île de Taïwan, annexée par la Chine à la fin du XVIe siècle. Dès cette période, elle se met également à produire du thé, à partir de théiers transplantés du Fujian, mais il s’agit alors de toutes petites quantités. Ce n’est qu’en 1949, avec l’arrivée à Taïwan de Tchang Kaï-chek, président de la République de Chine, et de l’ensemble des Chinois qui se réfugient à Taïwan en apportant avec eux leur savoir-faire, que la production va s’envoler. Les terres sont particulièrement fertiles, l’hygrométrie idéale, tant et si bien que plus de 20 000 hectares sont aujourd’hui consacrés à la culture d’un thé qui se révèle d’excellente qualité. A tel point que certains Oolong taïwanais sont maintenant plus recherchés que leurs cousins chinois.
Cinq grandes étapes scandent la fabrication des Oolong. Dans un premier temps, les feuilles, récoltées de préférence tôt le matin, sont flétries au soleil puis mises à refroidir à l’ombre. Commence ensuite l’étape délicate de la sudation qui favorise l’apparition des parfums et des notes aromatiques du thé. Mises « à suer » dans des locaux chauds et humides (22 à 25°C, hygrométrie à 85%), les feuilles brassées régulièrement libèrent alors une enzyme qui réagit au contact de l’air et amorce le processus d’oxydation. Lorsque le planteur estime que le degré d’oxydation du thé est optimal, il stoppe le processus. L’oxydation est alors enrayée par la torréfaction qui consiste en un chauffage rapide des feuilles (30 secondes à 5 minutes) dans des séchoirs qui atteignent une température de presque 200°C. Cela a pour effet de détruire l’enzyme responsable de l’oxydation et faciliter également le roulage des feuilles de thé. Cette dernière étape est importante car elle donne leur forme aux feuilles de thé. Lorsque celles-ci sont encore tièdes, elles peuvent se rouler de façon plus compacte et donc se déployer idéalement au fil des infusions successives du Gong Fu Cha.
A l’image du maître de chai pour le vignoble, la fabrication des Oolong ne relève pas d’une approche scientifique mais bien d’un savoir-faire faisant appel au toucher, à l’oeil, à l’odorat.
C’est donc le responsable de la plantation qui détermine le degré d’oxydation le mieux adapté à chaque thé. Une oxydation plus poussée (60 à 70%) comme la méthode spécifiquement développée à Taïwan donnera ainsi des notes boisées, réglissées, miellées tandis qu’une oxydation plus légère, typique de la méthode dite « chinoise » fera ressortir des notes plus végétales, florales et lactées.
Dans la famille des Oolong, voici quelques thés emblématiques :
L’un des meilleurs Oolong de Chine, à oxydation intermédiaire (40%). D’une grande finesse, il dégage des notes riches et variées (fruitées, végétales, grillées…).
Très agréable et gourmand, ce thé taïwanais à oxydation forte se révèle rond et long en bouche et présente des notes boisées et vanillées qui font le bonheur des amateurs.
A l’origine, ce cru est issu d’un cultivar taïwanais dont les feuilles donnent un thé aux parfums étonnants avec des notes délicieusement beurrées et lactées. Cultivé par une communauté chinoise depuis plusieurs décennies au nord de la Thaïlande, ce thé d’une qualité remarquable offre des notes lactées, vanillées et florales gourmandes à souhait.
D’oxydation légère, voici l’un des plus délicats et célèbres Oolong de Taïwan. Ses larges feuilles torsadées développent lors de l’infusion des arômes à la fois verts et fleuris, presque poivrés, qui évoquent avec douceur le narcisse et le jasmin.
Même s’ils représentent moins de 3% de la consommation mondiale, les Oolong comptent parmi les thés les plus fins pour les amateurs. Pour les déguster dans des théières traditionnelles, Palais des Thés recommande d’utiliser une eau de source ou une eau filtrée chauffée à 95°C et de les faire infuser durant 5 à 7 minutes. Mais il est une préparation traditionnelle de Taïwan, le Gong Fu Cha (littéralement « prendre le temps du thé » en chinois), qui permet de mieux révéler encore toute la richesse de ces thés rares. Contrairement au Cha No Yu, la cérémonie du thé japonaise extrêmement codifiée, le Gong Fu Cha s’apparente davantage à un art de la dégustation, une pratique destinée à faire ressortir le potentiel d’un thé. Il se distingue avant tout par la taille des théières utilisées (de très petite contenance), le dosage des feuilles, la durée et le nombre d’infusions. Une première infusion, extrêmement brève, permet de rincer les feuilles et de les hydrater, car la liqueur ainsi obtenue est jetée.
La dégustation ne commence vraiment qu’au cours des infusions suivantes des mêmes feuilles. Rapides et successives, elles permettent de découvrir des notes aromatiques qui évoluent tout au long de la dégustation