Latte : la délicieuse histoire entre thé et lait

Savoureux mélange de thé et de lait, le thé Latte est une boisson gourmande qui s’est hissée parmi les grands modes de consommation du thé ces dernières années. De quelles traditions ce phénomène est-il l’héritier et comment réussir cette association de deux ingrédients réputés pour leur incompatibilité ? C’est cette histoire, celle d’un compagnonnage séculaire entre thé et lait, que Palais des Thés vous invite à découvrir et à déguster.

- Article extrait du magazine Bruits de Palais 77 - page 4 -

Les origines

Aux origines du Latte

Durant la dynastie Han (206 avant J.-C. – 220), en Chine, le thé était compressé, bouilli et on y ajoutait divers ingrédients tels que des écorces d’orange et du sel. Il s’apparentait davantage à une soupe qu’à une boisson de dégustation.

C’est à partir du VIIe siècle que les populations nomades des pays frontaliers découvrent le thé venu de l’empire et en changent le mode de consommation. Parce que leur régime alimentaire traditionnel était majoritairement composé de produits laitiers, elles commencèrent à mélanger le thé avec du lait ou du beurre : lait de chamelle pour la Mongolie, de dri (femelle du yak) pour le Tibet, ou encore avec du beurre et du sel pour le Bhoutan et le Népal. Certaines associations portent en effet des valeurs nutritives essentielles à la vie en haute montagne, comme le Po Cha au Tibet. À mi-chemin entre la soupe et la boisson, il s’agit d’une préparation roborative, à base de thé sombre (Pu Erh), de lait, de beurre et de sel.

En parallèle, en Chine, le thé cesse progressivement d’être mélangé à d’autres ingrédients. À partir du VIIIe siècle, dans son ouvrage le traité du Cha Jing (le « Classique du Thé »), Lu Yu stipule que le thé doit se boire seul, éventuellement agrémenté de sel. Le thé mélangé avec du beurre et du lait n’y sera introduit qu’à partir du XIIIe siècle, lorsque l’empire du Milieu sera envahi et dominé par les Mongols. En Inde, c’est le Chaï qui célèbre les noces du thé et du lait. Au XIXe siècle, alors que les Anglais y développent la culture du thé, les Indiens consomment une boisson à base de lait, de sucre et de masala (mélange d’épices). La peur de se faire empoisonner par l’envahisseur britannique l’emporte à l’époque sur la tentation de goûter au thé. Mais une fois les relations adoucies, les Indiens décident d’ajouter des feuilles de thé à leur boisson traditionnelle et créent ainsi ce qui allait devenir la boisson nationale, le Masala Chaï.

En Europe, avant même l’apparition du thé, au XVIIe siècle, les Anglais avaient l’habitude de consommer des boissons lactées et sucrées. C’est ainsi que lorsqu’ils ont commencé à boire du thé, ils ont naturellement intégré le sucre et le lait à leur infusion, au rythme grandissant des importations de thé. De qualité médiocre à l’époque, le thé bénéficiait alors de la douceur du lait pour en atténuer son amertume. Outre cet avantage sur le plan gustatif, le lait amenait un intérêt non négligeable sur le plan pratique.

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En effet, la Chine, alors exportatrice de porcelaine extrêmement fine appelée « coquille d’oeuf », fournissait le Vieux Continent en services à thé. Cette matière d’une fragilité extrême ne résistait pas à l’eau bouillante et les tasses explosaient à son contact. Verser du lait juste avant l’eau chaude permettait d’éviter l’incident. Au fil du temps, cette association du lait et du thé de tradition britannique a connu pléthore de variantes comme : le Cambric Tea1 (Etats‑Unis), le London Fog2 (Canada), le Naï Cha3 (Hong Kong), ou encore le Teh Tarik4 (Malaisie et Singapour).

Thé et lait

Thé et lait : une hérésie ?

Depuis trente ans, vous entendez Palais des Thés désigner le lait comme l’un des principaux ennemis du thé. En effet, dans nombre de cas, le lait est à proscrire. D’une part, le mélange peut masquer la complexité aromatique d’un thé et dénaturer sa texture. Ainsi, le thé blanc ou le Darjeeling de Printemps perdent une grande partie de leurs propriétés organoleptiques au contact du lait.

D’autre part, cette combinaison peut s’avérer désastreuse, comme pour certains thés verts japonais aux notes iodées, notamment les Sencha, l’association produisant un goût vraiment désagréable. Pour autant, certains thés se prêtent à la rencontre avec du lait quand ils ont une personnalité suffisamment affirmée, comme un thé aux notes aromatiques intenses et à la texture riche. Si le thé tient tête au lait, alors cela peut provoquer d’heureuses surprises. Le mariage thé et lait permettra de révéler de façon tout à fait inattendue de nouvelles saveurs, de nouvelles notes ou textures et constituera, à lui seul, une véritable expérience gastronomique. Tout l’art consistera à bien choisir le thé que l’on voudra associer au lait.

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